Des maisons pour stocker les semences de maïs

Brésil

Dans les années 2000, dans la région de l’Alto Uruguay au brésil, AVSF a initié des actions de sauvegarde et d’amélioration des semences paysannes auprès de paysans volontaires.

Les complexes agro-industriels brésiliens, appuyés par les pouvoirs publics ont permis au pays de devenir une grande puissance agricole, tant sur son marché intérieur qu’à l’exportation. Mais ils ont en même temps poussé les paysans qui en avaient les moyens à semer des maïs hybrides, à grand renfort de pesticides et d’engrais chimiques… Cette diffusion massive de semences hybrides a représenté une grande menace pour la préservation des semences locales.

Quand les paysans reprennent la main…

Dès les années 80, des leaders paysans se sont inquiétés de leur perte d’autonomie semencière et de la dégradation de la biodiversité cultivée et naturelle de la région. Avec l’aide d’instituts de recherche, ils ont mené de 1990 à 1995 plusieurs campagnes de « récupération et de réintroduction des semences paysannes ». Le projet « semences et biodiversité » d’AVSF consistait alors à sélectionner des semences parmi les plus utilisées dans les fermes de la région et à les améliorer, à travers échanges d’expérience, rencontres et formations.

Stocker les semences pour + de revenus

Dès 2004, des familles expertes ont commencé à produire de nouvelles variétés de maïs locaux « crioulas » et à les stocker pour fournir plus de 200 familles de l’Alto Uruguay au Brésil. Résultat : en 3 ans seulement, les superficies plantées ont doublé, la production et la circulation de semences « crioulas » ont  triplé. Les familles ont vu leur budget d’achats alimentaires baisser et les ventes de semences paysannes augmenter leurs revenus.

Un symbole fort : la Maison des Semences

L’adoption élargie des semences locales présentait beaucoup d’avantages pour les petits paysans de la région : moins de maladies, plus de diversité et des matière organique dans les sols, diversité de culture… Restait à créer une structure de stockage centralisée qui fasse office à la fois de « banque de réserve », de stock régulateur pour les excédents temporaires de semences et de centre de rediffusion. C’est ainsi qu’est née l’idée d’une « Maison des Semences » qui assure toutes ces fonctions, tout en étant un symbole fort pour les semences rustiques mais aussi pour la visibilité sociale et politique de leurs producteurs, dans une région où dominent les semences hybrides et le modèle productiviste.


Garder le contrôle des semences

Haïti

De plus en plus dépendant des importations alimentaires, Haïti ne couvre plus aujourd’hui que 40% de ses besoins. Cette perte de souveraineté a débuté dans les années 80, et les produits locaux sont aujourd’hui « oubliés » par la jeunesse haïtienne.

Dans ce contexte, AVSF soutient depuis de nombreuses années un partenaire très influent en Haïti, le MPP – le Mouvement Paysan de Papaye, dans la région du haut plateau central. Fondé le 20 mars 1979, le MPP est une organisation paysanne rassemblant paysans et jeunes travailleurs ruraux, avec laquelle AVSF travaille depuis plusieurs années sur un projet d’insertion des jeunes ruraux et de formations en agroécologie.

Une « invasion » de 400 tonnes

Après le tremblement de terre du 12 Janvier 2010, Monsanto avait offert 400 tonnes de semences de maïs au gouvernement haïtien. Le MPP s’était alors mobilisé pour sensibiliser la société civile au risque de ces semences transgéniques ou hybrides : une fois introduites sur le territoire haïtien, ces semences menaçaient d’éliminer les variétés locales, cultivées depuis plus de deux siècles et avec elles – l’agriculture paysanne toute entière.

Le 5 juin 2010, une grande manifestation organisée par le MPP mobilisait plus de 20 000 personnes, pour dénoncer le projet « Winner » financé par USAID (une initiative de l’agence publique américaine d’aide au développement) qui distribuait les semences Monsanto. Résultat : projet et distributions furent stoppés.

Semences hybrides = dépendance

Les semences hybrides –hormis leurs avantages indéniables et leur innocuité pour la santé – ont pour les agriculteurs un inconvénient majeur : elles doivent être rachetées chaque année. Elles engendrent ainsi une formidable dépendance dont souffrent déjà aujourd’hui de nombreux pays africains et sud-américains.

Dans les pays occidentaux, l’investissement en semences hybrides est minime. Par contre, dans les pays en voie de développement, c’est un achat si coûteux qu’il interdit presque toute reconquête de souveraineté alimentaire.

Le marché mondial des semences – évalué à 30 milliards de dollars par an – est presque intégralement contrôlé par 10 multinationales dont Monsanto, Syngenta, Cargill et Limagrain. Et il est choquant de voir transformer en marchandise un patrimoine naturel commun, dont la gestion devrait appartenir à ceux qui produisent les aliments pour nourrir la planète – les paysans.

 


Recenser les variétés natives

Equateur

Dans les provinces d’Azuay, de Morona Santiago et de Canar au sud de la Sierra équatorienne, AVSF accompagne plus de 500 producteurs dans la diffusion et la promotion des pratiques agroécologiques.

Dans le cadre de ce projet, deux types de semences ont été sélectionnés pour être améliorés et diffusés : des variétés locales de maïs et des variétés natives de tomates.

Maïs : + 10% en 2 ans

Ces dernières années, les familles ont été confrontées à une baisse des rendements du maïs. Après étude, la mauvaise gestion de la sélection des semences paysannes est apparue comme l’une des causes essentielles de cette fluctuation. Courant 2013, AVSF et son partenaire local le CEDIR ont travaillé à sélectionner sur pieds les meilleures variétés locales de maïs et à apprendre aux familles la technique d’enrobage des semences avec un mélange de cendres de minéraux et de mélasse pour les nourrir durent leur croissance.

Après trois ans de suivi sur plants, le nombre d’épis de maïs produit est passé de 47 000/hectare en 2012 à 52 000/ hectare en 2014…Soit 10% de plus en 2 ans.

20 000 plants natifs de tomates diffusés

La tomate en arbre est un fruit très apprécié en Equateur où on la consomme en jus. Cette plante a beaucoup souffert ces 10 dernières années d’attaques d’antracnose – un champignon qui fait tomber les fruits avant maturité. AVSF a donc aidé les familles à recenser des variétés natives résistantes à la maladie.

Sept variétés locales sélectionnées ont été multipliées en pépinières et 20 000 plants – distribués à plus de 300 exploitations agricoles, tandis que près de 900 producteurs étaient formés pour les cultiver. Et c’est grâce à leurs observations et leurs évaluations qu’ont finalement été retenues deux variétés natives de tomate en arbre résistantes aux attaques du champignon.

30% de revenu et un statut en plus

Ces deux variétés natives de tomate en arbre – actuellement vendues dans la pépinière commerciale de la ville de Cuenca – ont accru les revenus et amélioré les conditions de vie de leurs producteurs – essentiellement des femmes. Car sur les marchés, les produits se vendent 30% plus cher qu’à des intermédiaires.

Au-delà de ces effets économiques, l’impact social du projet – notamment par ses formations à la commercialisation – est loin d’être négligeable. Il se traduit par une reconnaissance du rôle essentiel des paysans dans l’économie rurale : à savoir la production d’aliments sains, et l’approvisionnement des marchés en produits de qualité